Des participations mémorables en 1984


Au cours de ma trentième année, la tentation était forte pour m'essayer un tout petit peu plus sérieusement au volant, et notamment à la monoplace. Non pas comme un postulant à un avenir professionnel du pilotage, car en tous les cas je ne pouvais absolument pas espérer en avoir les moyens financiers. Cela relevait du rêve, de la pure utopie. J'envisageais simplement de profiter de mon statut d'amateur “éclairé“, lié à mon métier de reporter photographe pour la revue Echappement, et à une large connaissance du milieu du sport auto national. Ce qui m'encourageait à une certaine audace pour aller solliciter quelqu'aide pécuniaire pour quelques opérations ponctuelles.

Cinq opportunités bien différentes se dessinèrent au cours de cette saison 1984.


 Juin 2024           

LE MANS - Circuit Bugatti - 2 Heures Groupe N - 8/9 Septembre 84


Ayant participé l'année précédente à la première édition de cette épreuve réservée à des voitures de série du règlement groupe N,  épreuve, l'idée de s'y aligner à nouveau a germé en association avec Dominique Depons. Ce jeune rallyman girondin talentueux (comme son frère aîné Henri), je l'avais rencontré par hasard quelques mois plus tôt, à l'occasion d'une invitation à une petite compétition amicale pour saluer l'inauguration du circuit de karting de Biganos, créé par Michel Fèvres près du Bassin d'Arcachon. C'est là que Dominique, également présent pour l'événement, m'informa que la Ligue du Sud-Ouest venait de lui décerner une bourse pour suivre les cours de l'Ecole de Pilotage de Nogaro. D'où l'idée, comme un défi, de suivre de près et d'accompagner sa progression vers le concours du Volant Motul, prétexte d'une autre aventure à lire un peu plus loin dans ces lignes.


Mais avant cela, parallèlement, Dominique et moi nous sommes retrouvés début septembre sur le circuit Bugatti pour partager le volant de sa Golf GTI. Celle avec laquelle il commençait à se faire un nom en rallye. La concurrence dans la classe 1600 de cette course de deux heures était composée d'autres Golf, mais surtout par de plus récentes et très compétitives Peugeot 205 GTi bien pilotées. Au final, notre duo termina à la 2e place des Volkswagen et la 6e place finale de la catégorie, juste derrière la 205 du rallyman pyrénéen Bernard Lannefranque, associé à mon confrère journaliste d'Echappement Gérard Bridier.


Grand Prix de NOGARO - Formule Renault - 15/16 Septembre 84


En 1982, Patrick Jamin était le mécanicien d'Olivier Grouillard, lauréat du Pilote Elf Paul Ricard. En 83, l'écurie co-créée par Patrick pour la Formule Renault alignait Paul Belmondo, le Pilote Elf Paul Ricard, et une autre voiture pour d'abord Jean Guikas, puis Bruno Ilien. Pour le championnat 84, l'équipe toulousaine, devenue ICS, était chargée par Elf de faire courir les deux lauréats de l'école Winfield, Eric Bernard et Michel Trollé. S'y ajoutèrent Jean Alesi pour deux courses en début de saison, et le vainqueur de la Coupe R5 sortant, Jean-Michel Bernès.


Pour la course de rentrée en septembre, Patrick disposait d'une Martini Mk 38/41  disponible, de l'année précédente. L'occasion pour moi de ne pas rester sur le mauvais souvenir des Finales Renault 83. Cette participation à cette dixième manche du championnat de France FR 84, comme à mon habitude en amateur , sans avoir ni les moyens ni la volonté d'investir dans un train de pneus neufs, s'est déroulée sans accroc et avec un plaisir XXL, avec à la clé une 22e place en qualification, suivie d'une arrivée en 20e position, dans le tour du vainqueur Michel Trollé. La seul moment du week-end un peu critique encore présent dans ma mémoire est ce magistral 360° commis aux essais : en sortie des “S“ du Lac, trop large sur le vibreur que j'avais allègrement franchi à fond de 4e, mon tête-à-queue dans l'herbe s'était prolongé par le retour sur la piste en marche arrière, de face juste devant la Martini de Jean Vatat, ... suivi de la remise dans le bons sens.


Finales Renault PAUL RICARD - Formule Renault - 28/29 Octobre 84


Deux semaines plus tard, l'opération était renouvelée pour la douzième et dernière manche, organisée sur le circuit Paul Ricard. J'y retrouvai la même Martini MK 38/41 de l'équipe ICS qui accueillait pour l'occasion, en plus du trio Bernard - Trollé - Bernès, un autre pilote occasionnel. En l'occurrence Michel Hugon, bien connu du milieu du karting et chez lui au Castellet. Me reste le souvenir, avant de pouvoir participer à ces Finales Renault, d'une laborieuse chasse au petits sponsors pour couvrir les frais. La décoration de la Martini ne fut pas facile pour trouver une place de carrosserie pour tous les généreux donateurs, dont les principaux étaient Plus-Régis Dumange et Renault Chartres. Ce qui fit qualifier la Martini “d'arbre de Noël“ par Jamin, ... à la vue du désastre esthétique.


Après des essais libres sur le mouillé, mes essais qualificatifs se soldèrent par une 21e position de grille, avant une arrivée à la 20e place, comme à Nogaro, avec le “privilège“ de voir me dépasser les hommes de tête avant l'arrivée. Et donc de comprendre “en live“ la victoire de Michel Trollé, devant Yannick Dalmas, sacré Champion de France, et Eric Bayol.


Finale Volant MOTUL - 6 Novembre 84


Dans l'esprit d'accompagner l'ami Depons au concours du Volant Motul, comme évoqué précédemment, je m'étais lancé un défi personnel, lors d'une discussion avec Didier Faure, alors directeur adjoint du Circuit Paul Armagnac et de l'Ecole de Pilotage. J'avais déjà l'expérience des stages de 1er et 2e degrés suivis quelques années plus tôt, et en plus j'avais déjà participé au cours des deux années précédentes à quatre épreuves de Formule Renault. Didier me proposa alors de m'inscrire dans l'été au seul stage de 3e degré, qui tenait lieu de sélection pour la phase finale du Volant. Et ce pour une somme réduite au prorata.


Alors que je prévoyais que le potentiel et la jeunesse de “Domy" allait lui permettre d'accéder aux demi-finales, ce ne fut pas le cas. De mon côté, je m'étais bien pris au jeu et presque étonné pendant le stage de 3e degré des 28 et 29 septembre, d'autant que deux semaines auparavant j'avais disputé la manche du championnat de France de FR sur le circuit Paul Armagnac, rompant ainsi avec onze mois passés sans m'asseoir au volant d'une monoplace. Au point que j'allais être sélectionné pour la première des demi-finales, programmée le 23 octobre, juste avant de rejoindre le circuit Paul Ricard pour les Finales Renault. Il faut préciser qu'à cette époque, le règlement du Volant Motul n'interdisait pas d'avoir participé à quelques courses de Formule Renault, et que la limite d'âge, contrairement à d'autres concours d'Ecole de Pilotage, était de 30 ans à Nogaro. Une première (et dernière !) occasion de disputer un “volant“ pour moi, qui n'allait atteindre cet âge qu'à la fin décembre 84. C'est au Castellet, où je m'étais inscrit pour la dernière manche du championnat FR, que Didier Faure m'informa le vendredi que j'étais retenu parmi les cinq qualifiés pour la finale du Volant. J'avais signé le meilleur chrono de ma demi-finale, qui était même le meilleur au total, devant celui du jeune Jean-Marc Gounon (20 ans), le plus rapide de la deuxième journée, et qui faisait figure de grand favori. Pour les stages de 3e degré et des demi-finales, les monoplaces utilisées étaient encore les Martini “école“ à moteur 1600 atmosphériques. Si l'on épluche les résultats (voir images), il faut prendre en compte que n'y apparaissent pas les valeurs de limitation de régime moteur imposées, et parfois dépassées par certains, et dont le respect comptait beaucoup dans la sélection. Pour la finale, la différence notoire était l'emploi de la Martini MK 41 de l'année utilisée par le Volant Motul sortant, Eric Bayol.


Me voici donc sur le circuit gersois en ce 6 novembre bien frais et un peu brumeux pour disputer cette finale. Ma singularité était d'avoir plusieurs fois, lors de précédentes éditions, fait partie du jury en tant que journaliste, en compagnie de vrais pilotes Motul et sommités confirmés. Ce que j'allais pouvoir reproduire de nouveau les années suivantes ... Mais cette fois, j'avais cette curieuse sensation de jour d'examen, teintée de trac, en étant parmi les cinq candidats à se présenter devant André Diviès, le maître des lieux, ... pour le tirage au sort de l'ordre de passage. Car, originalité du Volant Motul, c'est ce système qui était employé, contrairement aux écoles Winfield, où les chronos des demi-finales déterminaient généralement le choix de son ordre de passage. Devant le peu d'entrain de mes quatre adversaires à se manifester, c'est en quelque sorte en “doyen“ des finalistes que je me portai volontaire pour abréger le moment. Mal m'en prit, et je le compris peu après avoir extrait la plus courte des pailles de la main du bon André. Car cela signifiait devoir m'élancer le premier avant les autres candidats, après les quelques tours de mise en chauffe de la monoplace par Jean-Claude Lhoro, le directeur et instructeur de l'Ecole. En cette matinée de novembre, l'air était encore bien frais et quelque peu humide, et la piste encore bien “verte“, comme l'on dit dans le jargon. Une fois installé dans le baquet et alors que l'on me sanglait, je me souviens de Patrick Jamin, mon team manager de mes deux courses de FR de l'automne, venu m'encourager, me lâcher discrètement avec son franc-parler habituel un “t'es baisé !“, dont je me demande encore si c'était une annotation fataliste ou une manière plutôt triviale de me motiver.

Toujours est-il qu'une fois en piste j'ai sans doute manqué d'agressivité pendant mes deux tours de chauffe et le premier de ma série de cinq tours. Au début du deuxième, réalisant que mon rythme était un peu trop sage, je me mis en tête de me “réveiller“. Et c'est en négociant plus vite le gauche de La Ferme qu'un net survirage m'obligea à contrebraquer sèchement. Le hic, c'est que mon gant droit, trop usé et élargi, resta à moitié collé sur le volant dans le mouvement, ma main s'en retirant de quelques centimètres. Pas facile ainsi de rester concentré ! Le temps de le repositionner dans l'urgence dans la longue épingle droite de ré-accélération (ancienne configuration du tracé), le chrono de ce tour allait être moins rapide d'une demi-seconde que le premier. Perdu pour perdu, je parvint à hausse le ton au troisième tour, améliorant d'une seconde pleine, puis à signer les deux derniers encore plus vite. Mais mon temps total allait rester à 3“2 de celui de l'Ardéchois Claude Sénezergues, auditionné juste après moi et nettement plus régulier, avec un meilleur tour de 2/10e plus rapide. Si les deux finalistes suivant, Didier Dival et Christian Vassal, allaient s'avérer moins compétitifs et sans parvenir à descendre sous le chrono de 1'24“, restait à passer Jean-Marc Gounon, l'autre Ardéchois de la finale. Jeune kartman au beau palmarès, Jean-Marc venait d'échouer en finale de l'opération “Marlboro cherche ses pilotes“. Potentiellement, le Volant Motul lui ouvrait les bras. Hélas pour lui, après trois premiers tours abaissant les boucles similaires de Sénezergues, il sortit en tout droit en fin de la ligne droite, de ses dires à cause d'une défaillance des freins. Problèmes, l'avant de la Martini était un peu trop froissé, et elle était la seule dans cette configuration à être disponible pour la finale. D'autre part, l'heure du repas traditionnel à l'Hôtel du Commerce de Nogaro approchant, avec force pousse-rapière, foie gras, magret de canard et armagnac, il ne fut pas trop étonnant que le jury en reste là et proclame plutôt rapidement le résultat : Sénezergues en lauréat et Gounon en suppléant. Pour résumer, je pouvais me considérer 3e et “sur le podium“ du concours. Une fois autour de la table au Commerce, comment oublier cette boutade dont il avait le secret, m'étant adressée par le truculent et regretté André Diviès : “Jean-Luc, tu m'as fait peurrr ! Si tu avais gagné, on aurrrait été emmerrrrdés pour les photos !!!“ Il faut dire qu'André me considérait bien plus comme un photographe et fournisseur que comme un futur pilote, m'ayant d'ailleurs donné un bon coup de main une dizaine d'années auparavant, lorsque je postulais à l'obtention de laissez-passer piste sur les circuits nationaux, bien avant d'accéder au statut de journaliste.


Pour l'anecdote, Claude Sénezergues ne fut pas vraiment convaincant en Formule Renault. Lors de la 4e manche du championnat 85 dans les rues de Pau, il ne parvint pas à se qualifier dans la “grande“ course, et refusa de disputer la course des Challengers. Ce qui provoqua la décision radicale d'André Diviès de le limoger. L'ami Jean-Marc Gounon aurait légitimement mérité de le remplacer, mais il était engagé dans son propre programme avec une Orion.

J'avoue qu'à ce moment-là j'étais prêt à répondre à une éventuelle proposition ... qui ne vint jamais. Car l'on apprit vite que l'ancien finaliste Jacques Pla (le père de l'excellent Jim), ancien finaliste, disposait d'une part de budget et prenait le relais pour le reste de la saison.


Finales Peugeot Talbot Sport - 3 Heures de CHARADE - Novembre 84


Quelques jours seulement après la Finale du Volant Motul, direction le circuit de Charade pour une expérience inoubliable. Le Peugeot Talbot Sport de la grande époque des 205 Turbo 16 en rallye mondial avait investi Clermont-Ferrand pour sa grande fête de fin de saison. Parallèlement au rallye organisé le samedi jusque dans la nuit, le PTS avait programmé une petite épreuve d'endurance spécifique de 3 Heures sur le mythique circuit. Le projet de s'y inscrire provenait de mes amis Patrick Martins et Loïc Bureau, qui connaissaient bien le tracé pour y avoir déjà couru, respectivement en Formule Renault et Coupe Renault 5. Comme il fallait un club PTS impliqué, c'est celui de Montigny-les-Cormeilles qui nous avait réunis, tandis que m'était réservé dans le trio le rôle de rookie du tracé auvergnat.


La règle du jeu, le dénominateur commun, consistait en une 205 GTi 1.6 de série, dotée de pneus de série Michelin MXV, et recevant un petit kit moteur spécifique comprenant un arbre-à-cames spécial apte à permettre un régime plus élevé. Ce que les pourvoyeurs de notre petite lionne n'avaient ni su et donc négligé, c'est qu'il fallait, pour profiter de la rallonge des 1000 tours-minute, adapter en fonction le réglage du boîtier électronique par un “tour de vis“. Nous ne l'apprîmes qu'après la course ...


Nos essais du samedi révélèrent Patrick Martins parmi les plus véloces, il qualifia d'ailleurs notre 205 n°8 en première ligne à côté du Palois Dominique Jacob. J'étais assez satisfait de ma découverte de ce fameux tracé juge de paix, avec des chronos encourageants soutenant la comparaison avec ceux du même ordre de mon autre équipier Loïc Bureau. La course prévoyait pour chacun deux relais d'une demi-heure, avec à chaque changement de pilote un ravitaillement essence obligatoire au moyen de jerrican doté d'un bec verseur imposé. Patrick prit le départ et mena un moment la course. Deuxième relayeur, Loïc maintint un bon rythme. Quand vint mon tour de prendre le volant pour mon second relais, le dernier jusqu'à l'arrivée, Loïc me dit : “fais gaffe, les pneus sont carrées !“ A un moment, en bagarre avec un adversaire, il avait commis un freinage trop appuyé en descente au Belvédère, qui eut eut pour effet de malmener la rondeur des bandes de roulement antérieures.


Effectivement, une fois en piste, les vibrations le confirmèrent, mais ne handicapèrent pas trop le rendement de notre 205 GTi. Je repartis à seulement 4 secondes juste derrière la n°22 du leader Bernard Lannefranque, qui ne roulait qu'en équipe de deux pilotes (donc trois relais chacun), son compère Lionel Robert les avaient placé en tête, pour le compte du PTS Le Mans. Je réduisit l'écart à deux ou trois longueurs de voiture en arrivant en bas de la descente, dans la fameuse compression de Gravenoire. C'est là que la frustration allait commençait pendant tous les tours restants. Dans la remontée, dès la courbe droite de sortie après Gravenoire, notre ignorance du décalage nécessaire du boîtier électronique ne pouvait nous permettre d'exploiter les 1000 tr/mn supplémentaires offerts par le kit. Le rupteur se déclenchait bien trop tôt, ce qui obligeait à passer le 5e rapport plus tôt que notre adversaire. Bien avant d'arriver aux “S" de Champeaux (qui se passaient à fond), la 205 du leader s'était bien trop éloignée dans mon champ de vision. Le même scénario se reproduisit à chaque tour, et je franchis finalement le drapeau à damier en 2e position avec 4 secondes de retard sur la n°22 de Lannefranque et Robert. Ce qui représente 144 m de différence après 331 km parcourus, selon le chronométrage officiel ...

                                                                                                                                                                                                                                                   Jean-Luc Taillade

                                                                                                                 (© Daniel Delien, Photos Actualités et D.R.)

( Cliquer sur les photos pour agrandir et faire défiler )

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